Raquel Infante Rodez Aveyron

Raquel Infante, la guerrière de la charnière centrale de la Seleção portugaise et de l’équipe de Rodez Aveyron FC (D1 féminine) s’est confiée en exclusivité pour Footugal France. Elle revient avec nous sur ses débuts dans le football, ses objectifs de carrière en club et en sélection portugaise qui dispute encore la qualification pour le prochain mondial.

Hargneuse sur les pelouses, Raquel est une compétitrice née, qui n’a jamais plié face aux adversités et qui se donne les moyens d’atteindre des objectifs de carrière toujours plus élevés.

Née il y a 27 ans à Lisbonne, ses premiers coups de pieds dans un ballon, elle les a donnés comme tout à chacun, dans la rue, à l’école, avec les garçons, notamment, ses frères et ses cousins.

À cette époque le panorama du football féminin était bien loin de celui que l’on connaît actuellement au Portugal. L’équipe féminine de 1° de Dezembro (aujourd’hui éteinte) dévorait tout sur son passage. Et c’est dans ce club de Sintra (banlieue de Lisbonne) que Raquel a fait ses premiers pas en 1re division qui était encore 100% amateur, pour le plaisir et donc et sans pouvoir ambitionner quoi que ce soit de plus :

« Quand j’ai commencé à jouer, jamais je n’aurais pensé pouvoir vivre du football. Car à ce moment-là, il n’y avait pas les conditions qu’il y a aujourd’hui au Portugal. Ce n’était pas possible d’évoluer car les conditions d’entrainement ne le permettaient pas et ne se comparaient pas avec pas à celles qui existaient déjà à l’étranger, car le championnat c’était le 1° Dezembro et rien de plus. Aujourd’hui c’est totalement différent. Mais à l’époque, on travaillait déjà beaucoup de choses à l’étranger qu’on ne trouvait pas au Portugal. Les joueuses qui jouaient hors du pays, étaient beaucoup mieux préparés physiquement que nous ».

Et c’est alors que comme bon nombre d’entre nous, elle a commencé à envisager d’émigrer pour vivre de sa passion :

« J’ai vu des joueuses comme Carla Couto, Édite Fernandes, Ana Borges qui quittaient le pays et c’est là que j’ai compris que c’était aussi ce que je voulais. Mais je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était de jouer à l’étranger, ni même si je pourrais en vivre. C’est lors de ma première saison en Espagne que j’ai réellement compris que je voulais vivre uniquement du football ».

Car à peine une saison après avoir porté les couleurs du 1° de Dezembro, où elle a remporté le championnat, la Coupe du Portugal et où elle a disputé le tour préliminaire de la Ligue des Champions avec des coéquipières comme, Patricia Morais, Monica Mendes, Dolores Silva et Carolina Mendes (aujourd’hui timonières de la Seleção) mais aussi et surtout avec Ines Borges (joueuse qui a fortement inspiré son attitude en match et à l'entrainement) que Raquel a fait le grand saut vers l’étranger, plus précisément en Espagne à Estartit, non sans mal :

« Ma première année en Espagne fut très difficile. J’étais loin de la famille, des amis, je ne parlais pas la langue. Mais j’ai eu la chance de pouvoir partager le vestiaire avec 2 autres portugaises (Monica Gonçalves et Carolina Mendes) ce qui m’a beaucoup aidé. Principalement avec Carolina qui est plus une sœur qu’une coéquipière. Mais du point de vue professionnel, cela a été un grand pas en avant et j’ai commencé à voir le football autrement. Mais pas encore aussi sérieusement que je le vois aujourd’hui. »

Car après une saison à Llanos Olivenza (Espagne), Raquel rejoint l’Italie (eh oui c’est une globe-trotteuse) et le club de Riveira, où elle va connaitre un tournant décisif dans sa carrière. Une rupture des ligaments croisés et du ménisque. Une épreuve difficile qui dura 6 mois, mais qui va totalement bouleverser sa manière de voir le football et qui l’a transformée dans ce qu’elle est aujourd’hui, une fantastique compétitrice, avec une faim insatiable de travail et de ballon :

« Cette blessure m’a écarté des terrains pendant près de 6 mois, et c’est là que j’ai compris à quel point j’aimais le football et à quel point c’était important pour moi. À partir de là, j’ai commencé à faire face à chaque entrainement, comme si c’était le dernier, chaque match comme s’il s’agissait d’une finale. Aujourd’hui je continue à faire la même chose. Quand je dois m’arrêter pour cause de blessure ou pour des raisons de calendrier, c’est très difficile à accepter psychologiquement. Si ça ne tenait qu’à, moi, je m’entrainerais 24h sur 24 ».

Après cette expérience difficile, Raquel fait un retour express par le Portugal pour porter les couleurs de Futebol Benfica, club qui a remplacé le 1° Dezembro et qui régnait alors en maitre sur le championnat (jusqu’à l’arrivée récente du Sporting CP et de Braga). Un retour qui ne durera pas, puisqu’elle va ensuite rejoindre le club d’Aland United en Finlande. Cela va lui permettre de franchir un cap important de plus dans sa carrière en signant à Levante. Une équipe qui joue les premiers rôles dans l’une des Ligues les plus côtés de la modalité. Malheureusement , cette expérience ne s’est pas vraiment passé comme prévue :

« Je suis arrivée à Levante en novembre à la fin du championnat de Finlande. J’ai beaucoup aimé cette expérience, c’est un grand club, avec une excellente structure. Au début tout se passait bien, mais en février j’ai commencé à manquer de temps de jeu (seulement 10 matchs). L’entraineur était sur le départ et j’ai reçu l’offre de Rodez et j’ai tout de suite accepté, je voulais essayer le championnat français ».

Car depuis le mois d’aout dernier, Raquel a rejoint le championnat de France pour porter les couleurs du Rodez Aveyron FC. Et si par le passé, elle a connu quelques pépins au niveau de l’adaptation, cela n’a absolument pas été le cas lors de son arrivée dans le sud de la France :

« Je suis arrivée en aout et j’adore. L’adaptation se passe beaucoup plus facilement que ce que je pensais. Le groupe est très uni et les entraineurs sont toujours disponibles pour nous aider. Je vis dans l’académie du club, ce qui facilite aussi mon intégration. Je vis avec d’autres joueuses, mais aussi avec certains des garçons qui jouent en National (3e division française masculine). Le club a tout fait pour m’intégrer le plus rapidement possible à l’équipe et au pays. Ils m’ont inscrit à des cours de Français, ce qui m’a aussi beaucoup aidé. Je ne le parle pas encore très bien, je comprends presque tout, mais le parler c’est plus compliqué ».

Si au niveau collectif tout ne se passe pas pour le mieux (le club de Rodez se bat bec et ongles contre la relégation), au niveau individuel par contre, cette saison est celle de l'affirmation pour Raquel. Titulaire indiscutable en club (19 matchs sur 19 possibles) et aussi en sélection, elle se sent beaucoup plus à l’aise pour porter le jeu vers l’avant, après avoir travaillé longuement sur la lecture du jeu en alliant la technique et le physique :

« Je me sens beaucoup plus sereine pour entamer la construction du jeu depuis l’arrière. J’ai beaucoup évolué dans la lecture du jeu, parce qu’ici en France ça joue vite et dur (physiquement), ce qui m’oblige à être 300% concentrée ».

Si déjà Raquel etait une hargneuse et une battante de naissance, son évolution vers un jeu plus physique (auquel ceux qui suivent sa page la voient régulièrement à la tache) l’a rendue encore plus redoutable dans les duels. Une évolution qui est surtout due aux spécificités du championnat, différent dans cet aspect par rapport à ce qu’elle a connu par le passé en Espagne ou au Portugal :

« C’est un championnat très difficile. Il y a trois grandes équipes, le PSG, Montpellier et Lyon et en dessous, le niveau des autres équipes est plutôt équilibré. C’était aussi le cas dans le championnat Espagnol. Mais la principale différence avec l’Espagne, c’est au niveau physique. Les joueuses ici sont beaucoup plus fortes physiquement. Quant au championnat portugais on ne peut pas encore le comparer. Là-bas, il n’y a que deux équipes professionnelles (Sporting et Braga), c’est un championnat en pleine croissance, mais qui a encore besoin de temps ».

Même si elle avoue qu’elle aimerait bien un jour revenir au pays, ce qu’elle souhaite le plus pour le moment, c’est de continuer à jouer à l’étranger face aux meilleures joueuses du monde et réussir à faire, ce qu’elle appelle le grand saut :

« Je suis heureuse de voir l’évolution du championnat portugais, mais pour l’instant je préfère rester à l’étranger pour affronter les meilleurs joueurs de la planète dans les meilleurs championnats. Au niveau personnel, j’espère pouvoir aligner le plus de temps de jeu possible et réussir à me faire remarquer pour faire le grand saut. Mais pour cela, il faut s’entrainer dur tous les jours, pour pouvoir être à 200% lors des matchs en club et en équipe nationale ».

Et quand on lui demande la signification exacte de l’expression faire le grand saut, la franchise de Raquel ne manque pas à l’appel :

« Faire le grand saut, ça veut dire signer avec un très grand club. On se doit de se placer des objectifs ambitieux dans la vie. Je suis heureuse où je suis et j’apprends beaucoup. Mais nous nous devons de vouloir chaque fois plus et c’est comme ça dans ma vie » « Le club où je voudrais faire ce grand saut ? L’Olympique Lyonnais (champions de France pour la 11e fois consécutive et double champion d’Europe), je sais que c’est très difficile. Il y a des joueuses fantastiques. Je dois garder les pieds sur terre ».

 

Avec la Seleção, Raquel vit l’un de ses plus beaux moments et elle croit dur comme fer en qualification portugaise pour le mondial 2018. Pour en savoir plus, vous pouvez lire la deuxième partie de notre interview en cliquant ici.